La pomme et l'escargot (Charles Vildrac)









La pomme et l’escargot



Il y avait une pomme
A la cime d’un pommier ;
Un grand coup de vent d’automne
La fit tomber dans le pré.

Pomme, pomme, t’es-tu fait mal ?
-J’ai le menton en marmelade,
-Le nez fendu et l’oeil poché !

Elle roule, quel dommage !
Sur un petit escargot
Qui s’en allait au village
Sa demeure sur son dos.

Pomme, pomme, t’es-tu fait mal ?
-J’ai le menton en marmelade,
Le nez fendu et l’oeil poché !

Ah ! stupide créature, 
Gémit l’animal cornu,
T’as défoncé ma toiture
Et me voici faible et nu.

Pomme, pomme, t’es-tu fait mal ?
-J’ai le menton en marmelade,
-Le nez fendu et l’oeil poché !

Dans la pomme à demi-blette (*)
L’escargot, comme un gros ver,
Rongea, creusa sa chambrette
Afin d’y passer l’hiver.



Charles Vildrac (Pin Pon d’Or)







(*) blette : en tombant la pomme s'est meurtrie ; sa chair devient toute molle et brune.

Odelette (Madeleine Ley)








Odelette




Araignée grise
Araignée d’argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.

Toile d’araignée
-émerveillement-
Lourde de rosée
Dans le matin blanc !
Ouvrage subtil
Qui frissonne et ploie,
O maison de fil,
Escalier de soie !

Araignée grise
Araignée d’argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.


Madeleine Ley




Les moineaux (Albert Glatigny)






Les moineaux



Qu’ils sont jolis, les moineaux francs (1),
Les effrontés (2), que je les aime !
Peuple insoucieux et bohème (3)
Ils sont crânes et conquérants (4)!

Petits, ils se moquent des grands,
Ils nargueraient (5) l’aigle lui-même,
Qu’ils sont jolis, les moineaux francs !
Sous les vastes cieux transparents.

Que la nuit d’étoiles parsème,
Le rossignol dit son poème (6).
Gavroches (7) au soleil errants,
Qu’ils sont jolis, les moineaux francs !



Albert Glatigny














(1) Les moineaux francs sont sans aucune fausseté ni malice. 

    (2) Les effrontés : les moineaux semblent n’avoir peur de rien, ils sont hardis.

    (3) Peuple insoucieux et bohème : ces oiseaux, comme les gens qui vivent au jour le jour, ne se font aucun souci.

      (4) Ils sont crânes et conquérants : ils sont fiers et décidés.

        (5 ) Ils nargueraient l’aigle lui-même : eux, si petits, oseraient braver le roi des oiseaux.

          (6) Le rossignol dit son poème : son chant, plein de poésie.

            (7) Gavroches : ce mot désigne de jeunes garçons qui ont de l’audace et de la gentillsse ; les moineaux leur ressemblent ; ils errent, ils se promènent çà et là, au soleil.



            Berceuse (Maurice Carême)









            Berceuse




            Au fond des bois,
            Couleur de faîne*,
            La feuille choit*
            Si doucement
            Que c’est à peine
            Si on l’entend.

            A la fontaine,
            Le merle boit
            Si doucement
            Que c’est à peine
            Si on l’entend.

            A demi-voix,
            Si doucement
            Que c’est à peine
            Si on l’entend.

            Une maman
            Berce la peine
            De son enfant.




            Maurice Carême









            */ Couleur de faîne : le faîne est le fruit d’un grand arbre, le hêtre. Ce fruit est entouré d’une fine enveloppe de couleur marron, comme les feuilles des bois en automne.







            Faîne (fruit du hêtre)






            La feuille choit : la feuille morte tombe ; l’automne est la saison de la chute des feuilles.

            Le Printemps (Théophile Gautier)






            Le printemps


            Regardez les branches,
            Comme elles sont blanches !
            Il neige des fleurs.
            Riant dans la pluie,
            Le soleil essuie
            Les saules en pleurs*,
            Et le ciel reflète*
            Dans la violette,
            Ses pures couleurs.

            La mouche ouvre l’aile.
            Et la demoiselle*,
            Aux prunelles d’or,
            Au corset de guêpe
            Dépliant son crêpe*
            A repris l’essor.
            L’eau gaiement babille*,
            Le goujon frétille* :
            Un printemps encore !



            Théophile Gautier














            Les saules en pleurs : des arbres, qu’on appelle saules pleureurs, ont des branches très souples qui retombent tout autour du tronc. Ils ont l’air de pleurer.




            Saule Pleureur






            Le ciel reflète : le ciel renvoie ses couleurs sur les pétales des violettes.






            La demoiselle, c’est la libellule.



            Libellule






            Dépliant son crêpe : dépliant ses ailes qui ressemblent à l’étoffe légère et plissée qu’on appelle le crêpe.







            L’eau babille : elle fait en coulant un bruit pareil à celui d’enfants qui parlent sans arrêt.







            Le goujon frétille : le petit poisson s’agite dans l’eau.