Une souris à l'école (Georges Riguet)








Il y avait une fois une souris qui habitait la maison d’un vieux maître d’école. Un jour la petite souris s’aventura jusqu’à la salle de classe où le maître instruisait ses élèves ; elle fut bien étonnée.

Elle voyait là des garçonnets et des fillettes, sagement penchés sur leur pupitre et qui ne quittaient pas des yeux la page étalée devant eux.

"Que font-ils ? demandait curieusement Museau Pointu ! J’en aperçois qui sucent leur pouce, d’autres qui se rongent les ongles, d’autres encore qui déchiquettent leurs porte-plume ou leur crayon... Ils ont faim, cela est sûr. Mais pourquoi ne goûtent-ils pas aux livres mis entre leurs mains ?

- Vraiment, ces bambins sont bien sots ! Le pain ou les pommes sont très bons, quand on en trouve ; mais le papier n’est pas à dédaigner non plus !»

La souris grise alla se renseigner auprès de sa grand-mère.

"Grand-mère, que font donc tous ces jeunes garçons et filles qui se rassemblent chaque jour dans cette maison ?

- Ce sont des écoliers ; ils apprennent à lire.

- A lire ? Que veux-tu dire, grand-mère ?

- Quand on sait lire, Museau Pointu, on ne ronge pas les vieux livres. On les regarde, et ils parlent.

- Ils parlent ? Mais que disent-ils ?

- Je ne sais pas, Museau Pointu. Je ne sais pas lire, moi. Je ne suis jamais allée à l’école, et je suis trop vieille maintenant pour apprendre mes lettres."

Elle était très curieuse et très audacieuse, Museau Pointu.

Elle se dit :

«Ces fillettes et ces garçons qui viennent à l’école ne sont pas plus malins que moi. Si je veux, je pourrais très bien apprendre à lire aussi.»


Dès le lendemain matin, Museau Pointu se faufila jusqu’à la salle de classe.

Cette fois, les enfants n’étaient plus assis devant leur table, mais groupés devant un grand tableau noir. Le maître tenait en main une baguette qu’il promenait sur ce tableau, et, chaque fois que le bout de la baguette s’arrêtait en dessous d’un petit dessin tracé en blanc ou en rouge, tous les écoliers se mettaient à crier ensemble.

Parfois, ils criaient : i, i.

D’autres fois, ils criaient : o, o.

D’autres fois encore : u, u.

«C’est amusant, se disait Museau Pointu ; et pas difficile !»

Durant toute la leçon, elle fut très attentive. Elle regardait la forme des lettres en même temps qu’elle disait leur nom.

 Le i, c’est un petit bonhomme qui jette son chapeau en l’air.

Le u, c’est le bout d’une gouttière au bord du toit.

Le o, c’est une lucarne ronde.

le n, c’est le trou du chat dans la porte du grenier.

Le s, c’est la couleuvre qui a mangé une de ses soeurs.

Le c, c’est le chat quand il dort, couché en rond.

Au bout d’une quinzaine de jours, la souris grise avait appris de cette façon toutes les lettres de l’alphabet.

Tout aussi bravement, elle apprit à les rassembler pour faire tu, pour faire lulu, ou fifi.

Et, vers la fin de l’année, cette petite bête lisait aussi bien que vous et moi. Peut-être mieux !


Georges Riguet (Le Bazar aux Histoires)