A.Vivaldi "La Folia"




La souris des villes et la souris des champs









La souris des villes et la souris des champs






Un jour d’été, une petite souris, qui vivait dans un joli nid suspendu à une grosse tige de blé, invita une de ses cousines, qui habitait la villa voisine, à venir passer une journée avec elle.

La souris de la ville admira beaucoup les beaux épis dorés et les coquelicots rouges, mais elle trouva le dîner un peu maigre.

- Comment ! dit-elle, tu n’as à manger que des grains d’orge, et quelques racines ? Ce n’est pas vivre ça ! Moi, j’ai toutes sortes de bonnes choses à grignoter tous les jours ! Viens me rendre ma visite, et tu verras.

La petite souris des champs fut très contente de cette invitation. Dès la semaine suivante, elle se rendit à la ville, chez sa cousine, qui habitait la maison d’un riche négociant.





Sa cousine la reçut très bien et la mena d’abord dans le placard de la cuisine. Là, sur la planche d’en bas, il y avait un pain de sucre blanc. La souris de ville fit un petit trou dans le papier avec ses dents, et toutes deux se mirent à grignoter.

La petite souris des champs pensait qu’elle n’avait jamais rien goûté d’aussi bon, quand tout à coup la porte du placard s’ouvrit brusquement : bang ! C’était la cuisinière que venait chercher de la farine.


- Vite ! Vite ! sauvons-nous ! chuchota la souris de ville, et toutes les deux s’échappèrent par le petit trou qui les avait laissées entrer.


La souris des champs était toute tremblante ; mais l’autre dit : «Ce n’est rien ; elle va s’en aller, et nous reviendrons.»




Les souris revinrent et, cette fois, elles grimpèrent tout en haut, sur la planche où il y avait un bocal plein de pruneau, qu’elles se mirent à ronger. C’était encore meilleur que le sucre ! Mais, tout à coup, on entendit un grattement à la porte du placard, et un mi-a-o !...


- Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda la souris des champs.



- Chu... u... ... t ! dit sa cousine en courant à son trou où sa camarade la suivit aussi vite qu’elle put. Et quand elles furent en sûreté :



- C’est Mistigri, le gros chat de la maison, dit la grosse souris ; il n’a pas son pareil pour attraper les rats, et s’il nous avait vues !...


- C’est terrible ! dit la petite souris, je vais te mener à la cave. Il y a quelque chose de délicieux là-bas.

Les deux amies descendirent à la cave, et elles virent dans une vielle armoire des rangées de fromages de Hollande. Il y avait aussi des chaînes de saucissons et des barils de pommes sèches, et bien d’autres choses encore ! Ce que cela sentait bon ! La petite campagnarde courait de tous les côtés, grignotait un bout de fromage par-ci, un saucisson par-là, quand elle vit un délicieux morceau de lard grillé dans une drôle de petite machine.

Elle allait y porter la dent, quand sa cousine l’appela :

- Arrête ! arrête ! ne va pas là !

- Pourquoi ? demanda la petite souris en s’arrêtant.

- Cette chose est une souricière, dit l’autre. Si tu avais touché le lard avec tes dents, quelque chose se serait décroché et tu aurais été prise.

La petite souris regarda la trappe, puis le lard ; puis sa cousine.

- Avec ta permission, dit-elle, je pense que je m’en irai chez nous. J’aime mieux n’avoir à manger que du blé et des racines et être tranquille, que d’avoir du sucre  et du fromage et d’être effrayée tout le temps !



Miss Sara Cone Bryant (Comment raconter les histoires aux enfants)