Les petits loups de la mer (Anatole France)







Albert Edelfelt







Scènes de la ville et des champs


Anatole France






Ce sont des petits matelots, de vrais petits loups de mer. Voyez-les : ils tiennent leurs bérets enfoncés jusqu’au cou, pour que le vent plein d’embruns, qui souffle de la mer, ne déchire pas leurs oreilles de ses gémissements terribles. Ils portent, contre le froid et l’humidité, des habits de grosse laine. Leur vareuse et leur culotte rapiécées ont servi à leurs aînés. Leurs vêtements furent taillés dans de vieux vêtements paternels. Leur âme aussi est de la même étoffe que l’âme de leur père : elle est simple, courageuse et patiente. Dès qu’ils furent au monde, ils eurent le cœur naïf et grand. Qui le leur fit tel ? Après Dieu et leurs parents, c’est l’Océan. L’Océan donne aux matelots le courage en leur donnant le danger. C’est un rude bienfaiteur.

Voilà pourquoi nos petits matelots portent dans leur cœur d’enfant des sentiments de vieux braves. Penchés sur le parapet de l’estacade, ils regardent le large. Ils n’y voient pas seulement la ligne bleue qui marque les confins légers de la mer et du ciel. La mer n’amuse pas leurs yeux par ses couleurs fines et changeantes, ni le ciel par les figures colossales et bizarres de ses nuages. Ce qu’ils voient en regardant le large, c’est quelque chose de plus touchant que la teinte des eaux et la figure des nuées : c’est une idée d’amour. Ils épient les barques qui s’en sont allées à la pêche et qui vont reparaître à l’horizon, amenant, avec la crevette à pleins bords, l’oncle, le frère aîné et le père. La petite flottille va montrer bientôt là-bas, entre l’Océan et le ciel du bon Dieu, sa toile blanche ou bise. Aujourd’hui le ciel est pur, la mer tranquille ; le flot pousse doucement les pêcheurs à la côte. Mais l’Océan est un vieillard changeant, qui prend toutes les formes et chante sur tous les tons. Aujourd’hui il rit ; demain il grondera dans la nuit sous sa barbe d’écume. Il fait chavirer les barques les plus agiles, qui pourtant ont été bénies par le prêtre, au chant du Te Deum ; il noie les patrons les plus habiles et c’est par sa faute qu’on voit, dans le village, devant les portes où sèchent les chaluts auprès des paniers, tant de femmes coiffées du béguin noir des veuves.



François le Champi (George Sand)

Le dragon des Chevaliers de Saint-Jean (Alexandre Dumas)





Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qui, comme on le sait, avaient été fondés par Gérard Tenque, gentilhomme provençal, dont nous retrouverons plus tard le berceau aux Martigues, habitaient au XIVe siècle l’île de Rhodes, dont ils portaient aussi le nom. Or, Rhodes vient du mot phénicien Rod, qui veut dire serpent. Ce nom, comme on le pense bien, avait une cause, et cette cause, c’était la quantité innombrable de reptiles que de temps immémorial la patrie du colosse renfermait.

Il est juste de dire cependant que les serpents avaient fort diminué depuis deux cents ans que les moines guerriers s’étaient établis dans l’île, attendu que, dans leurs moments perdus, et pour s’entretenir la main, les chevaliers leur faisaient une rude chasse. Il résulta de cette activité que la commanderie se croyait à peu près délivrée de ses ennemis, lorsqu’un jour un dragon apparut, d’une grandeur si gigantesque et d’une forme si monstrueuse, que près de lui le fameux serpent de Régulus38 n’était qu’une couleuvre.
Les chevaliers furent fidèles à leurs traditions, si dangereux qu’il fût de les suivre. Plusieurs se présentèrent pour combattre le monstre, et sortirent tour à tour de Rhodes pour l’aller relancer dans la vallée où il avait sa caverne. Mais de tous ceux qui sortirent, pas un ne revint ; et en ce cas comme toujours, la perte tomba sur les plus vaillants. Le grand maître, Hélion de Villeneuve, fut si désespéré du résultat des premières tentatives qu’il défendit, sous peine de dégradation, qu’aucun des chevaliers qui étaient sous ses ordres combattît le serpent, disant qu’un pareil fléau ne pouvait être suscité que par Dieu, et que par conséquent c’était avec les armes spirituelles, et non avec les armes temporelles, qu’il le fallait combattre. Les chevaliers cessèrent donc leurs entreprises, au grand désappointement du monstre, qui commençait à s’habituer à la chair humaine, et qui fut forcé d’en revenir tout bonnement à celle des bœufs et des moutons.

Sur ces entrefaites arriva à Rhodes un chevalier de la Camargue, nommé Dieudonné de Gozon : c’était à la fois un chevalier d’une grande bravoure et d’une grande prudence, mais qui ne s’était jamais battu qu’en Occident ; de sorte qu’il résolut, à l’endroit du serpent, de donner à ses compagnons un échantillon de ce qu’il savait faire ; mais comme, ainsi que nous l’avons dit, c’était un homme aussi sage que brave, il résolut de ne pas risquer imprudemment sa vie, comme avaient fait de la leur ceux qui avaient entrepris l’aventure avant lui ; et, avant de combattre, il voulut bien savoir à quel ennemi il avait à faire.

En conséquence, Dieudonné de Gozon prit sur le monstre les renseignements les plus exacts qu’il put se procurer, et il apprit qu’il habitait un marais à deux lieues de la ville. Vers les onze heures du matin, c’est-à-dire au moment le plus chaud de la journée, il sortait de sa caverne et venait dérouler au soleil ses immenses anneaux, restait jusqu’à quatre heures à l’affût de sa proie, puis, cette heure arrivée, rentrait dans sa caverne pour n’en sortir que le lendemain.
Ce n’était point assez, Gozon voulut voir le serpent de ses propres yeux. En conséquence, il sortit un matin de Rhodes, et s’achemina vers le marais, muni, au lieu d’armes, d’un crayon et d’une feuille de papier. Arrivé à un millier de pas de la caverne, il chercha un lieu sûr, d’où il pût tout voir sans être vu, et l’ayant trouvé, il attendit, son crayon et son papier à la main, qu’il plût au serpent de venir prendre l’air. Le serpent était très exact dans ses habitudes ; à son heure ordinaire, il sortit, se jeta sur un bœuf qui s’était aventuré dans ses domaines, l’engloutit tout entier dans son vaste estomac, et, satisfait de sa journée, s’en vint digérer au soleil, à cinq cents pas de l’endroit où Gozon était caché.

Gozon eut donc tout le temps de faire son portrait : le serpent posait comme un modèle ; aussi reproduisit-il avec une fidélité scrupuleuse les moindres détails de sa personne, puis, le dessin terminé, le chevalier se retira avec la même précaution et s’en revint à Rhodes.

Ses camarades lui demandèrent s’il avait vu le serpent. Gozon leur montra son dessin, et ceux qui n’avaient fait même que l’entrevoir reconnurent qu’il était de la plus grande exactitude.

Le lendemain, Gozon sortit de nouveau de Rhodes, et retourna à sa cachette. Le soir, il revint à la même heure que la veille. Les autres chevaliers lui demandèrent ce qu’il avait fait, et il répondit qu’il avait fait quelques corrections à son dessin de la veille. Les chevaliers se mirent à rire.

Le surlendemain, mêmes sorties, mêmes précautions, et au retour même réponse. Les chevaliers crurent leur camarade fou, et ne s’en occupèrent plus.

Ce manège dura trois semaines : au bout de trois semaines, le jeune chevalier savait son serpent par cœur. Alors il demanda au grand maître un congé de six mois, et l’ayant obtenu, il s’en revint en son château de Gozon, qui était situé sur le Petit- Rhône, en Camargue.
À son retour, chacun lui fit grande fête, et surtout deux magnifiques dogues qu’il avait : c’étaient des chiens de la plus grande race, habitués à tenir les taureaux en arrêt, tandis que l’intendant de Gozon les marquait avec un fer rouge. Gozon, de son côté, leur fit grande fête, car il avait ses vues sur eux, et comme il craignait qu’ils n’eussent dégénéré en son absence, il les lança sur deux ou trois taureaux qu’ils coiffèrent à la minute.

Le même jour, Gozon, sûr d’avoir en eux deux auxiliaires comme il les lui fallait, se mit à l’œuvre.

Grâce au dessin qu’il avait pris sur les lieux, et enluminé d’après nature, Gozon fit un serpent si parfaitement exact, que c’était la même taille, les mêmes couleurs, le même aspect ; alors, à l’aide d’un mécanisme intérieur, il lui donna les mêmes mouvements; puis, son automate achevé, il commença l’éducation de son cheval et de ses chiens.

La première fois qu’ils virent le monstre, tout artificiel qu’il était, le cheval se cabra et les chiens s’enfuirent. Le lendemain, chevaux et chiens furent moins effrayés ; mais cependant ni les uns ni les autres ne voulurent approcher de l’animal. Le surlendemain, le cheval vint à la distance de cinquante pas du monstre, et les chiens lui montrèrent les dents. Huit jours après, le cheval foulait le serpent sous ses pieds, et les deux dogues donnaient dessus comme sur le taureau.

Cependant Gozon les exerça deux mois encore, habituant ses chiens à faire leurs prises sous le ventre, car il avait remarqué que sous le ventre le serpent n’avait pas d’écailles. À cet effet, il mettait de la chair fraîche dans l’estomac de son automate, et les chiens, qui savaient que leur déjeuner les attendait là, allaient le chercher jusqu’au fond de ses entrailles. Au bout de deux mois, il n’avait plus rien à leur apprendre : d’ailleurs, si bien raccommodé qu’il fût tous les jours, le monstre commençait à s’en aller en morceaux.

Le chevalier partit pour Rhodes, où, après une traversée d’un mois, il aborda heureusement. Il y avait un peu moins de six mois qu’il en était parti.

En mettant le pied dans le port, il demanda des nouvelles du monstre. Le monstre se portait à merveille; seulement comme de jour en jour les troupeaux et le gibier devenaient plus rares, il étendait maintenant ses excursions jusque sous les murs de la ville. Le grand maître Hélion de Villeneuve avait ordonné des prières de quarante heures. Mais les prières de quarante heures n’y faisaient pas plus que si elles eussent été de simples Ave Maria de sorte que l’île de Rhodes était dans la désolation la plus profonde.

Le chevalier, monté sur son cheval et suivi de ses deux dogues, s’en alla droit à l’église, où il fit ses dévotions, et où il resta en prières depuis sept heures du matin jusqu’à midi, laissant ses chiens sans manger, et donnant au contraire force avoine à son cheval ; puis à midi, c’est-à-dire à l’heure où le monstre avait l’habitude de faire sa sieste, il sortit de la ville et se dirigea vers le marais suivi de ses chiens, qui hurlaient lamentablement, tant ils enrageaient de faim.

Mais, comme je l’ai dit, le monstre s’était fort rapproché de la ville ; de sorte que le chevalier eut à peine fait un mille hors des portes qu’il le vit bâillant au soleil et attendant une proie quelconque. Aussi, à peine de son côté le monstre eut-il vu le chevalier, qu’il releva la tête en sifflant, battit des ailes et s’avança rapidement contre lui.

Mais la proie sur laquelle il comptait était de difficile digestion, car à peine les deux dogues l’eurent-ils vu qu’ils crurent que c’était leur serpent de carton, et que, se souvenant qu’il avait leur déjeuner dans le ventre, au lieu de fuir, ils se jetèrent sur lui et l’attaquèrent avec acharnement. De leur côté, le cheval et le chevalier faisaient de leur mieux, l’un ruant des quatre pieds, l’autre frappant des deux mains ; de sorte que le malheureux serpent, qui ne s’était jamais trouvé à pareille fête, voulut fuir vers sa caverne ; mais il était condamné ; un coup d’estoc du chevalier le jeta sur le flanc, en même temps qu’un coup de pied du cheval lui brisait l’aile, et que les deux dogues lui fouillaient l’un l’estomac pour lui manger le cœur, et l’autre les entrailles pour lui manger le foie. En même temps, les habitants de la ville, qui étaient montés sur les remparts, et qui, d’où ils étaient, voyaient le combat, battirent des mains à l’agonie du monstre. Les applaudissements encouragèrent le chevalier, qui sauta à terre, coupa la tête du serpent, et l’ayant attachée en signe de trophée à l’arçon de son cheval, rentra dans la ville de Rhodes, triomphant comme le jeune David, et fut reconduit au palais des chevaliers, accompagné de toute la population. Ses deux chiens le suivaient en se léchant le museau.

Mais arrivé à la commanderie, il trouva le grand maître Hélion de Villeneuve qui l’attendait, et qui, au lieu de le féliciter sur son courage, lui rappela l’ordonnance qu’il avait rendue, et qui défendait à aucun chevalier de Saint-Jean de se mesurer contre le monstre ; puis, en vertu de cette ordonnance à laquelle le chevalier avait si heureusement contrevenu, il l’envoya en prison en disant que mieux valait que tous les troupeaux et la moitié des habitants de l’île soient mangés qu’un seul chevalier de l’ordre manquât à la discipline. En conséquence de cet axiome, dont les Rhodiens contestaient la vérité, mais dont le chevalier fut obligé de subir l’application, le grand maître envoya Gozon au cachot, assembla le conseil, qui, séance tenante, condamna le vainqueur à la dégradation ; mais, comme on le comprend bien, à peine le jugement fut-il rendu que la grâce ne se fit point attendre. Gozon fut réhabilité, réintégré dans son titre et comblé d’honneurs ; puis quelques mois après, Hélion de Villeneuve étant mort, il fut élu grand maître à sa place. Ce fut à compter de ce moment que Gozon prit pour armes un dragon, armes qui furent conservées par sa famille jusqu’au commencement du XVIIe siècle, époque à laquelle cette famille s’éteignit.

Quant au cheval et aux deux dogues, ils furent nourris tout le temps de leur vie aux frais de la commune de Rhodes et empaillés après leur mort.









L'eau vive (Chanson)


Comment l'araignée tisse sa toile

L'ensemble, ou presque, des 50 000 espèces d'araignées existantes, est capable de produire de la soie. Il existe mille et une toiles différentes, propre à chaque espèce et d'utilité diverses. Les araignées construisent des toiles pour se nourrir, se reproduire, se protéger, se fabriquer des nids etc... L'épeire diadème est une araignée qui bâtit sa toile en 1 h environ, suivant un rituel très précis, et en produisant 30 m de fil de soie. Découvrez les étapes de fabrication de la toile.

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Lectures illustrées de l'enfance