Le vieux papillon et le jeune










Le vieux papillon et le jeune



Fuyez, mon fils, fuyez cette flamme infidèle,
Disait un jour à son cher nourrisson
Un vieux routier de papillon.
Moi-même maintes fois je m'y suis brûlé l'aile ;
Moi-même bien souvent j'ai manqué d'y rester.
Fuyez-la donc, vous dis-je, avec un soin extrême.
Le jeune papillon promit de l'éviter.
Mais pourquoi donc, disait-il en lui-même,
Me tant recommander d'éviter ce flambeau ?
Il est si brillant et si beau !
Les vieilles gens sont trop timides ;
Un nain leur paraît un géant ;
Un petit moucheron leur est un éléphant.
S'il fallait les prendre pour guides,
On ne verrait partout que piège, que danger.
Voyons donc ces lueurs qu'on nous dit si perfides,
Et mettons-nous nous-même en état d'en juger.
A ces mots, tout autour des flammes homicides,
Notre papillonneau se mit à voltiger ;
Il n'y ressent d'abord qu'une chaleur flatteuse,
Il suit cette amorce trompeuse ;
De plus près il veut la sentir :
La flamme, par sa violence, 
Le consume et le fait périr.
Voilà ce que produit la désobéissance.