Joseph Haydn





Joseph Haydn est un compositeur autrichien. Il est né le 31 mars 1732 à Rohrau (Basse Autriche). Il décède à Vienne  le 31 mai 1809.

Sa famille est modeste. 

Joseph Haydn sera remarqué par sa belle voix de soprano et rejoindra la Maîtrise de la Cathérale St Etienne de Vienne. 

Il est très habile au violon et au clavecin. 

Il connaîtra des années difficiles dans la pauvreté.

Ses premières composition de musique de chambre lui attireront l’intérêt de personnes influentes.

Il trouvera une place auprès d’une famille très fortunés (la famille des princes Esterhazy), dans laquelle il restera plus de trente ans.

Il composera des symphonies, des quatuors à cordes, concertos, sonates pour clavier, des oratorios, des opéras, oeuvres de musique sacrée.


Il rencontrera Mozart et il eut pour élève Beethoven.




Symphonie de l'horloge






Sérénade - Andante









La chemise de l'homme heureux




Schaabahm, roi de Perse, très riche et très vieux, s'ennuyait : cela peut arriver aux rois comme à chacun de nous. Schaabaham alla trouver un solitaire en grande vénération dans le pays, et lui dit : 

"Je m'ennuie, et tout me pèse ; que faire ?

- Trouve, répondit le solitaire, la chemise d'une homme heureux, et mets-la."

Le roi appela son grand vizir : "Tu as entendu, dit-il, va."

Le grand vizir ne se fit pas répéter l'ordre, et sortit bien joyeux ; son crédit commençait à diminuer : rien ne pouvait venir plus à propos qu'une telle commission : la chemise d'un homme heureux, quoi de plus facile à trouver ? Le voilà donc en campagne. Sur le chemin, avisant des gens assemblés : "Qui d'entre vous, dit le vizir, est le plus heureux ?" Personne ne répondit d'abord. Alors le vizir les interrogea séparément. Mais celui-ci, homme de négoce, venait de perdre beaucoup d'argent ; celui-là, ouvrier à la journée, n'en gagnait pas assez pour vivre ; Ibrahim était ambitieux et Mohammed était malade. 

"Moi qui vous parle, dit un laboureur, je succombe à la peine, sans pouvoir nourrir mes pauvres enfants !

- Que dirai-je donc, interrompit un autre, moi qui viens, pour ma part, d'en perdre quatre ?

- Sottes gens, pensa le vizir ; allons ailleurs."

Mais par toute la ville, ici pour une raison, là pour une autre, une réponse unique lui fut faite : "Nous ne sommes pas heureux."

Le vizir commençait à prendre inquiétude. Heureusement, hors des murs, voilà qu'un jeune berger vient à sa rencontre, bien déguenillé et bien pauvre, mais l'air joyeux pourtant et le contentement peint sur toute sa personne. Le vizir, à tous risques, adressa au villageois sa question ordinaire. 

"Heureux, répond le berger, pourquoi non ? Quand on a de belles brebis, que l'on conduit sans trop de peine, de bons maîtres, dont on est aimé, le pain de chaque jour assuré et une flûte pour passer le temps, peut-on, dites-moi, n'être pas heureux ?"

Le vizir emmène le berger par la main, et le présente à Schaabahm, comme possédant toutes les conditions que pouvait souhaiter Sa Majesté. Les serviteurs vont pour chercher sur les épaules du pâtre ce précieux vêtement qui doit rendre au maître joie et belle humeur. O surprise ! O désespoir ! L'homme heureux n'avait pas de chemise !








Mots fléchés (grille N°3)





















Mots fléchés (Grille N°2)



























La châtaigne (V. Arnaud)






La châtaigne

"Que l'étude est chose maussade !
A quoi sert de travailler ?"
Disait, et non pas sans bâiller,
Un enfant que menait son maître en promenade.
Que répondait l'abbé ? Rien. L'enfant sous ses pas
Rencontre cependant une cosse fermée,
Et de dards menaçants de toute part armée.
Pour la prendre il étend le bras.
"Mon pauvre enfant, n'y touchez pas !
- Eh ! pourquoi ? - Voyez-vous mainte épine cruelle
Toute prête à punir vos doigts trop imprudents ?
- Un fruit exquis, monsieur, est caché là-dedans.
-Sans se piquer peut-on l'en tirer ? - Bagatelle !
Vous voulez rire, je le crois.
Pour profiter d'une aussi belle aubaine,
On peut bien prendre un peu de peine
Et se faire piquer les doigts.
- Oui, mon fils : mais, de plus, que cela vous enseigne
A vaincre les petits dégoûts
Qu'à présent l'étude a pour vous :
Ces épines aussi cachent une châtaigne.".



V. Arnaud




Les fées (Charles Perrault)

 Eugène de Blaas







Il était une fois une veuve qui avait deux filles : l’aînée lui ressemblait si fort d’humeur et de visage, que, qui la voyait, voyait la mère. Elles étaient toutes deux si désagréables et si orgueilleuses, qu’on ne pouvait vivre avec elles. La cadette était le vrai portrait de son père pour la douceur et l’honnêteté. Comme on aime naturellement son semblable, cette mère était folle de sa fille aînée et, en même temps, avait une aversion effroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la cuisine et travailler sans cesse.

Il fallait, entre autres choses, que cette pauvre enfant allât, deux fois le jour, puiser de l’eau à une grande demi-lieue du logis, et qu’elle en rapportât plein une grande cruche. Un jour qu’elle était à cette fontaine, il vint à elle une pauvre femme qui la pria de lui donner à boire.

« Oui dà, ma bonne mère, » lui dit la jeune fille ; et, rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l’eau au plus bel endroit de la fontaine et la lui présenta, soutenant toujours la cruche, afin qu’elle bût plus aisément. La bonne femme, ayant bu, lui dit : « Vous êtes si bonne et si honnête, que je ne puis m’empêcher de vous faire un don ; car c’était une fée qui avait pris la forme d’une pauvre femme de village, pour voir jusqu’où irait l’honnêteté de cette jeune fille. Je vous donne pour don, poursuivit la fée, qu’à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une fleur, ou une pierre précieuse. »

Lorsque cette fille arriva au logis, sa mère la gronda de revenir si tard de la fontaine. — « Je vous demande pardon, ma mère, dit cette pauvre fille, d’avoir tardé si longtemps ; » — et, en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux roses, deux perles et deux gros diamants. — « Que vois-je là ! dit sa mère tout étonnée ; je crois qu’il lui sort de la bouche des perles et des diamants. D’où vient cela, ma fille ? » (Ce fut là la première fois qu’elle l’appela sa fille). — La pauvre enfant lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter une infinité de diamants. — « Vraiment, dit la mère, il faut que j’y envoie ma fille. Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœur, quand elle parle ; ne seriez-vous pas bien aise d’avoir le même don ? Vous n’avez qu’à aller puiser de l’eau à la fontaine, et, quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien honnêtement. — Il me ferait beau voir, répondit la brutale, aller à la fontaine ! — Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout à l’heure. »

Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau flacon d’argent qui fût dans le logis. Elle ne fut pas plus tôt arrivée à la fontaine, qu’elle vit sortir du bois une dame magnifiquement vêtue, qui vint lui demander à boire. C’était la même fée qui avait apparu à sa sœur, mais qui avait pris l’air et les habits d’une princesse, pour voir jusqu’où irait la malhonnêteté de cette fille. — Est-ce que je suis ici venue, lui dit cette brutale orgueilleuse, pour vous donner à boire ! Justement j’ai apporté un flacon d’argent tout exprès pour donner à boire à Madame ? J’en suis d’avis : buvez à même si vous voulez. — Vous n’êtes guère honnête, reprit la fée, sans se mettre en colère. Eh bien ! puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu’à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou un serpent, ou un crapaud. »
D’abord que sa mère l’aperçut, elle lui cria : Eh bien ! ma fille ! — Eh bien ! ma mère ! lui répondit la brutale, en jetant deux vipères et deux crapauds. — Ô ciel, s’écria la mère, que vois-je là ? C’est sa sœur qui en est cause : elle me le paiera ; et aussitôt elle courut pour la battre. La pauvre enfant s’enfuit et alla se sauver dans la forêt prochaine.

Le fils du roi, qui revenait de la chasse, la rencontra et, la voyant si triste, lui demanda ce qu’elle faisait là toute seule et ce qu’elle avait à pleurer ! — « Hélas ! Monsieur, c’est ma mère qui m’a chassée du logis. » — Le fils du roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles et autant de diamants, la pria de lui dire d’où cela lui venait. Elle lui conta toute son aventure. Le fils du roi considérant qu’un tel don valait mieux que tout ce qu’on pouvait donner en mariage à une autre, l’emmena au palais du roi son père, où il l’épousa.

Pour sa sœur, elle se fit tant haïr, que sa propre mère la chassa de chez elle ; et la malheureuse, après avoir bien couru sans trouver personne qui voulût la recevoir, alla mourir au coin d’un bois.








La table d'école (O. Aubert)




La table d’école




Menuisier, tu vas travailler,
Que cherches-tu dans l’atelier ?
Tu viens de retrousser ta manche.
- Je cherche une solide planche

Menuisier, sur ton établi
C’est du bon bois, du bois poli
Que tu places avec adresse.
- Je me hâte, car le temps presse.

Menuisier, que ton bras est prompt !
La sueur coule de ton front,
Sous ton rabot le copeau vole.
- Je fais une table d’école.

Menuisier, ton travail est beau
Et plein d’un courage nouveau,
Tous les écoliers du village,
Feront honneur à ton ouvrage.


O. Aubert






Wood’stown (Alphonse Daudet)









L'emplacement était superbe pour bâtir une ville. Il n'y avait qu'à déblayer les bords du fleuve, en abattant une partie de la forêt, de l'immense forêt vierge enracinée là depuis la naissance du monde. Alors abritée tout autour par des collines boisées, la ville descendrait jusqu'aux quais d'un port magnifique, établi dans l'embouchure de la Rivière-Rouge, à quatre milles seulement de la mer.

Dès que le gouvernement de Washington eut accordé la concession, charpentiers et bûcherons se mirent à l'œuvre ; mais vous n'avez jamais vu une forêt pareille. Cramponnée au sol de toutes ses lianes, de toutes ses racines, quand on l'abattait par un bout elle repoussait d'un autre, se rajeunissait de ses blessures ; et chaque coup de hache faisait sortir des bourgeons verts. Les rues, les places de la ville à peine tracées étaient envahies par la végétation. Les murailles grandissaient moins vite que les arbres et, sitôt élevées, croulaient sous l'effort des racines toujours vivantes.

Pour venir à bout de cette résistance où s'émoussait le fer des cognées et des haches, on fut obligé de recourir au feu. Jour et nuit une fumée étouffante emplit l'épaisseur des fourrés, pendant que les grands arbres au-dessus flambaient comme des cierges. La forêt essaya de lutter encore, retardant l'incendie avec des flots de sève et la fraîcheur sans air de ses feuillages pressés. Enfin l'hiver arriva. La neige s'abattit comme une seconde mort sur les grands terrains pleins de troncs noircis, de racines consumées. Désormais on pouvait bâtir.

Bientôt une ville immense, toute en bois comme Chicago, s'étendit aux bords de la Rivière-Rouge, avec ses larges rues alignées, numérotées, rayonnant autour des places, sa Bourse, ses halles, ses églises, ses écoles, et tout un attirail maritime de hangars, de douanes, de docks, d'entrepôts, de chantiers de construction pour les navires. La ville de bois, Wood'stown – comme on l'appela, – fut vite peuplée par les essuyeurs de plâtres des villes neuves. Une activité fiévreuse circula dans tousses quartiers ; mais sur les collines environnantes, dominant les rues pleines de foule et le port encombré de vaisseaux, une masse sombre et menaçante s'étalait en demi-cercle. C'était la forêt qui regardait.

Elle regardait cette ville insolente qui lui avait pris sa place au bord du fleuve, et trois milles d'arbres gigantesques. Tout Wood'stown était fait avec sa vie à elle. Les hauts mâts qui se balançaient là-bas dans le port, ces toits innombrables abaissés l'un vers l'autre, jusqu'à la dernière cabane du faubourg le plus éloigné, elle avait tout fourni, même les instruments de travail, même les meubles, mesurant seulement ses services à la longueur de ses branches. Aussi quelle rancune terrible elle gardait contre cette ville de pillards !

Tant que l'hiver dura, on ne s'aperçut de rien. Les gens de Wood'stown entendaient parfois un craquement sourd dans leurs toitures, dans leurs meubles. De temps en temps, une muraille se fendait, un comptoir de magasin éclatait en deux bruyamment. Mais le bois neuf est sujet à ces accidents, et personne n'y attachait d'importance. Cependant, aux approches du printemps, – un printemps subit, violent, si riche de sèves qu'on en sentait sous terre comme un bruissement de sources, – le sol commença à s'agiter, soulevé par des forces invisibles et actives. Dans chaque maison, les meubles, les parois des murs se gonflèrent, et l'on vit sur les planchers de longues boursouflures comme au passage d'une taupe. Ni portes, ni fenêtres, rien ne marchait plus. – « C'est l'humidité, disaient les habitants. Avec la chaleur, cela passera ».

Tout à coup, au lendemain d'un grand orage venu de la mer, qui apportait l'été dans ses éclairs brûlants et sa pluie tiède, la ville en se réveillant eut un cri de stupeur. Les toits rouges des monuments publics, les clochers des églises, le plancher des maisons et jusqu'au bois des lits, tout était saupoudré d'une teinte verte, mince comme une moisissure, légère comme une dentelle. De près, c'était une quantité de bourgeons microscopiques, où l'enroulement des feuilles se voyait déjà. Cette bizarrerie des pluies amusa sans inquiéter ; mais, avant le soir, des bouquets de verdure s'épanouissaient partout sur les meubles, sur les murailles. Les branches poussaient à vue d'œil ; légèrement retenues dans la main, on les sentait grandir et se débattre comme des ailes.

Le jour suivant, tous les appartements avaient l'air de serres. Des lianes suivaient les rampes d'escalier. Dans les rues étroites, des branches se joignaient d'un toit à l'autre, mettant au-dessus de la ville bruyante l'ombre des avenues forestières. Cela devenait inquiétant. Pendant que les savants réunis délibéraient sur ce cas de végétation extraordinaire, la foule se pressait dehors pour voir les différents aspects du miracle. Les cris de surprise, la rumeur étonnée de tout ce peuple inactif donnaient de la solennité à cet étrange événement. Soudain quelqu'un cria : « Regardez donc la forêt ! » et l'on s'aperçut avec terreur que depuis deux jours le demi-cercle verdoyant s'était beaucoup rapproché. La forêt avait l'air de descendre vers la ville. Toute une avant-garde de ronces, de lianes s'allongeait jusqu'aux premières maisons des faubourgs.

Alors Wood'stown commença à comprendre et à avoir peur. Évidemment la forêt venait reconquérir sa place au bord du fleuve; et ses arbres, abattus, dispersés, transformés, se déprisonnaient pour aller au-devant d'elle. Comment résister à l'invasion ? Avec le feu, on risquait d'embraser la ville entière. Et que pouvaient les haches contre cette sève sans cesse renaissante, ces racines monstrueuses attaquant le sol en dessous, ces milliers de graines volantes qui germaient en se brisant et faisaient pousser un arbre partout où elles tombaient ?

Pourtant tout le monde se mit bravement à l'œuvre avec des faux, des herses, des cognées ; et l'on fit un immense abattis de feuillages. Mais en vain. D'heure en heure la confusion des forêts vierges, où l'entrelacement des lianes joint entre elles des pousses gigantesques, envahissait les rues de Wood'stown. Déjà les insectes, les reptiles faisaient irruption. Il y avait des nids dans tous les coins, et de grands coups d'ailes, et des masses de petits becs jaseurs. En une nuit les greniers de la ville furent épuisés par toutes les couvées écloses. Puis, comme une ironie au milieu de ce désastre, des papillons de toutes grandeurs, de toutes couleurs, volaient sur les grappes fleuries, et les abeilles prévoyantes qui cherchent des abris sûrs, au creux de ces arbres si vite poussés installaient leurs rayons de miel comme une preuve de durée.

Vaguement, dans la houle bruyante des feuillages, on entendait les coups sourds des cognées et des haches ; mais le quatrième jour tout travail fut reconnu impossible. L'herbe montait trop haute, trop épaisse. Des lianes grimpantes s'accrochaient aux bras des bûcherons, garrottaient leurs mouvements. D'ailleurs les maisons étaient devenues inhabitables ; les meubles, chargés de feuilles, avaient perdu leurs formes. Les plafonds s'effondraient, percés par la lance des yuccas, la longue épine des acajous ; et à la place des toitures s'étalait le dôme immense des catalpas. C'est fini. Il fallait fuir.

A travers le réseau de plantes et de branches qui se resserraient de plus en plus, les gens de Wood'stown épouvantés se précipitèrent vers le fleuve, emportant le plus qu'ils pouvaient de richesses, d'objets précieux. Mais que de peine pour gagner le bord de l'eau ! Il n'y avait plus de quais. Rien que des roseaux gigantesques. Les chantiers maritimes, où s'abritaient les bois de construction, avaient fait place à des forêts de sapins ; et dans le port tout en fleurs, les navires neufs semblaient des îlots de verdure. Heureusement qu'il se trouvait là quelques frégates blindées sur lesquelles la foule se réfugia et d'où elle put voir la vieille forêt joindre victorieusement la forêt nouvelle.

Peu à peu les arbres confondirent leurs cimes, et, sous le ciel bleu plein de soleil, l'énorme masse de feuillage s'étendit des bords du fleuve à l'horizon lointain. Plus trace de ville, ni de toits, ni de murs. De temps en temps un bruit sourd d'écroulement, dernier écho de la ruine, ou le coup de hache d'un bûcheron enragé, retentissait sous la profondeur du feuillage. Puis plus rien que le silence vibrant, bruissant, bourdonnant, des nuées de papillons blancs tournoyant sur la rivière déserte, et là-bas, vers la haute mer, un navire qui s'enfuyait, trois grands arbres verts dressés au milieu de ses voiles, emportant les derniers émigrés de ce qui fut Wood'stown.

Ludwig van Beethoven






Ludwig van Beethoven est né à Bonn en 1770 et mort à Vienne en 1827.
Il est un des plus grands compositeurs.

Il s'intéresse très tôt à la musique et apprend le violon et le piano dès l'âge de huit ans.

Il devient sourd à trente ans, malgré cette infirmité il continuera de composer.


Quelques oeuvres : 
Symphonies
Quatuors
Sonates pour piano
Concertos




Symphonie N°1- Mouvement 1




Les Willis (Alphonse Karr).




A la fin d’une journée d’automne, devant la maison du garde-général Wilhem Gulf, des filles et des garçons valsaient joyeusement ; des jeunes gens jouaient, l’un du violon, l’autre du cor. La forêt devenait encore plus silencieuse ; un vent léger, qui faisait de temps en temps frissonner le feuillage, avait cessé d’agiter les arbres ; le soleil ne laissait plus à l’horizon qu’un reflet de pourpre, qui éclairait encore horizontalement la clairière dans laquelle on dansait, et colorait d’une vive teinte rose les visages des danseurs.

Après une valse finie, Anna Gulf prit la parole : 

-Il n’est pas juste, dit-elle, que le pauvre Henry passe toute la soirée à souffler dans son cor, sans valser au moins une fois. Conrad va jouer seul quelque temps, et Henry pourra prendre part à la danse.

-Et pour le récompenser de la fatigue qu’il a prise à vous faire valser, ajouta Genevière, nous déclarons qu’au mépris de tous les engagements pris d’avance, il a le drit de choisir celle de nous qui lui paraîtra la plus belle, et de valser avec elle deux fois de suite.

Anna Gulf devint toute tremblante ; elle devait épouser Henry ; c’était un projet dès longtemps formé entre les deux familles ; mais Henry, jusque-là, n’avait presque jamais paru distinguer la fille du garde-général.

Anna Gulf aimait Henry. Qui ne l’eût aimé ? C’était le plus beau et le meilleur garçon du pays ; pas un chasseur n’était plus adroit ni plus audacieux, et le prince avait promis de l’élever au grade de garde-général que son beau-père lui devait résigner lors de son mariage.

De son côté, Anna était une bonne et jolie fille, qi depuis la port de sa mère était à la tête de la maison du garde-général, resté veuf avec deux enfants, Anna et Conrad. Pas une seule maison ne paraissait si propre et si bien tenue ; pas une, avec un revenu borné, n’offrait un tel aspect d’aisance et de bonheur. Anna était l’idole de son père et de son frère ; ils l’appelaient leur bon ange, et elle avait en effet quelque chose des anges ; son corps élancé et flexible, sa jolie tête un peu pâle, ses longs cheveux nois appliqués en bandeaux sur son front, et ses yeux d’un bleu sombre pleins de tendresse et de mélancolie, semblaient, par un instinct secret, faire pressntir qu’Anna Gulf, ange du Ciel, n’avait été que prêtée à la terre,et qu’après avoir, comme une bienfaisante rosée, donné à tout ce qui l’entourait de la vie et du bonheur, elle déploierait ses ailes et retournerait dans sa céleste partrie, laissant au coeur de ceux qui l’avaient aimée cette amertume qui semble être une condition nécessaire de tout bonheur humain.

Henry, sans hésiter, vient prendre la main d’Anna, dont le coeur battait à peine tant elle était oppressée de la crainte et de plaisir ; Conrad fit résonner l’archet, joua une valse compose par Henry, et les valseurs partirent.

Mais la lune commençait à monter derrière les arbres et sa lueur blanche paraissait au-dessus de leurs cîmes. Il y avait à cette heure tant de clame, tand de solennité dans le recueillement de la nature, que l’on cessai de valser, et que, rapprochés devant la porte de la maison où le vieux Gulf fumait tranquillement en regardant les jeunes gens, tous les danseurs se laissèrent aller à une conversation plus grave et plus intime.

Tout à coup, Henry et Anna, qui étaient restés en arrière, s’approchèrent du vieillard, et Henry lui dit :

-Mon père, nous nous aimons, donne-nous ta bénédiction. Tous deux s’agenouillèrent. Wilhem Gulf les bénit et demanda pour eux au ciel de plus puissantes bénédictions. Conrad vint serrer la main de Henry ; Henry donna à Anna Gulf un bouquet de bruyère qu’il avait à la main, Anna entra brusquement dans la maison et se réfugia dans sa chambre, où elle put donner un libre cours aux larmes de bonheur qui l’étouffaient. De ce jour ils furent promis, et l’on s’occupa des préparatifs du mariage.

Mais un jour Henry arriva sombre et triste chez le garde-général et lui montra une lettre qu’il avait toute froissée ; un oncle mourant à Mayence le priait de venir lui fermer les yeux.

Anna lui dit :

-Ne m’oubliez pas et revenez bien vite.

Elle ne dit pas un mot de plus, car elle l’eût prié de ne pas partir ; cette nouvelle lui avait serré le coeur ; les plus funeste pensées se présentaient en foule à son imagination ; le bonheur est une chose si fragile, il y e a si peu de réservé à l’homme, que ce qu’il en peut avoir lui semble toujours pris sur la part des autres ; qu’il se cache comme un voleur pour en jouir, et n’ose être heureux que tout bas.

Le père Gulf reçut la nouvelle sans s’émouvoir ; il dit à Henry : 

-Bon voyage, mon fils, et reviens auprès de moi aussitôt que tu te seras convenablement acquitté des devoirs que t’impose la nature. Quand part-tu ?

-Je partirai cette nuit, dit Henry pour joindre la voiture qui passe sur la route à huit lieues d’ici demain matin.

-Prends ta carabine, ajouta le vieillard.

Vers minuit, en effet, Henry se mit en route, le sac sur le dos et le fusil sous le bras ; il fit un détour, car, avant de quitter le pays, il voulait voir encore une fois la maison d’Anna et la lueur de la veilleuse qui brûlait dans sa chambre.

Comme il approchait, il cueillit quelques brins de bruyères blanches et en tressa une couronne pour l’appendre à la fenêtre de sa bien-aimée. Il écarta doucement les branches des coudriers qui entouraient la maison, et plaça sa couronne ; la veilleuse, à travers les rideaux, éclairait la petite chambre d’une lueur mystérieuse ; Henry rompit la branche de coudrier qui touchait de plus près la fenêtre et l’emporta.

Puis il partit lentement, se retourna quelquefois, s’arrêta longtemps à l’endroit où e détour du sentier allait lui cacher la maison éclairée par lune et disparut.

Le lendemain matin, dès que le soleil glissa ses premiers rayons de roses dans la petite chambre, Anna ouvrit sa fenêtre, ses cheveux étaient en désordre et sa robe froissée ; elle avait pleuré tout le soir, et s’était endormie de lassitude sans se déshabiller ; elle trouva la couronne blanche, la porta à ses lèvres et la serra sur son coeurs.

A chaque relais, Henry envoyait une lettre ; mais quelque fut son chagrin, c’est pour celui qui reste que l’absence a le plus d’amertume ; et en peu de temps la pauvre Anna perdit la teinte rose de son visage ; il arriva un moment où les lettres devinrent plus rares, puis on n’en reçut plus du tout. Anna ne se plaignait pas, mais ses joues et ses yeux se creusaient, et elle pleurait en silence dans sa chambre ; elle devenait sombre et farouche, et fuyait même la société de son père et de son frère Conrad.

Enfin elle devint tout à fait malade ; Conrad avait écrit quatre fois à Henry sans en recevoir de réponse. Un matin il partit pou Mayence ; deux mois après, il revint sur un chariot, blessé, pâle ; au bout de quelques jours il mourut tué par Henry.

Voici ce qui était survenu.

En arrivant à Mayence, l’oncle s’était trouvé moins malade que Henry ne s’y attendait, sa ressemblance avec son père avait comblé de joie ce parent, qui attribua sa prochaine convalescence à l’arrivée de son neveu. Cet oncle était fort riche, et, de ses nombreux enfants, n’avait plus qu’une fille très belle qu’il imagina de faire épouser à Henry. Celui-ci n’osa refuser tout d’abord, prit du temps pour demander le consentement de sa mère, et lui écrivit de le refuser ; mais dans le temps que la réponse mit à venir, il s’était habitué à sa cousine et à la fortune, et il ne fut pas médiocrement enchanté, au lieu de la lettre qu’il avait demandée à sa mère, d’en recevoir une où elle lui peignait tous les avantages de l’union qu’il était à même de contracter.

Il en vit, au milieu des plaisirs d’une grande ville, à oublier Anna, et à regarder les engagements sacrés qu’il avait pris avec elle, comme un jeu d’enfants auquel devait renoncer l’homme raisonnable.

Conrad était arrivé le jour du mariage de Henry avec sa cousine ; il avait fait de vifs reproches à son ancien ami, et exaspéré de ne pouvoir le fléchir par la peinture de la tristesse et des souffrances de sa soeur, il l’avait insulté et provoqué en public ; ils s’étaient battus, et Henry lui avait donné un coup d’épée.

Anna ne pleura pas, mais ses larmes retombèrent sur son cœur et le brûlèrent. De ce moment, elle se consacra entièrement à soigner le père Gulf, bien abattu de la mort de son fils, et à prier. La prière est le refuge du malheureux ; c’est un dernier appui quand tous les appuis sont brisés ; c’est un lien sacré entre l’homme et la divinité.

Henry se trouva maître d’une grande fortune et époux de la plus jolie femme de la ville de Mayence ; tout était nouveau pour lui dans la vie de luxe et de plaisir qui se menait à la ville. Un an après son mariage, cependant, son beau-père mourut, et sa femme, nouvellement mère, désira se retirer quelque temps à la campagne. Henry acheta un château à quelques lieues du séjour du père Gulf, et y passa toute la belle saison ; pendant ce temps, Anna acheva de s’éteindre et mourut sans douleurs apparentes ; on l’enterra avec la couronne blanche que Henry avait attachée à sa fenêtre la nuit de son départ.

Comme un soir Henry revenait d’une longue partie de chasse, il s’égara dans la forêt et n’imagina pas de meilleur moyen de retrouver sa route que de gagner la maison de sa mère ; de là, il lui devenait facile de s’orienter : la première moitié de sa vie s’était écoulée dans cette partie de la forêt, et pas un sentier, quelque petit qu’il pût être, ne lui en était inconnu. Il fallut passer devant la maison où le père Gulf restait seul avec une vieille servante. C’était encore une belle soirée d’automne, la lueur du soleil couchant éclairait encore obliquement la clairière. Henry soupira et doubla le pas ; il eût marché bien vite, s’il eût pu entendre dans la maison le pauvre vieillard qui veillait la nuit, priait pour son fils et pour sa fille, et disait :

-Henry, Henry, toi qui as tué mes deux enfants, sois maudit, sois maudit !

La forêt était plus silencieuse et plus mystérieuse que jamais ; dans le sentier que suivait Henry, elle devenait à chaque instant plus touffue et plus sombre ; la lune avait peine à glisser de temps en temps un pâle et furtif rayon à travers les branches ; en vain Henry voulait chasser les impressions pénibles qui se réveillaient dans son esprit, en vain il se rappelait sa femme, son enfant, tous les plaisirs qui l’entouraient : le souvenir d’Anna et des jours si heureux, si purs, de son amour, jetait un crêpe funèbre sur toutes ses autres pensées.

Par moments, un vent léger apportait de loin le parfum des chèvrefeuilles fleuris dans la forêt ; en marchant toujours, il lui sembla que ce vent apportait aussi par bouffées quelques mesures vagues et singulières d’un chant qui ne lui était pas inconnu.

Il s’avança, et s’arrêta tout à coup en frissonnant.

Il fallait quelque danger extraordinaire pour faire ainsi trembler Henry, le plus brave des chasseurs de cette forêt ; et cependant il n’arma pas son fusil, car ce qui l’effrayait n’avait rien d’humain : c’étaient quelques mesures bien distinctes de la valse qu’il avait autrefois composée et que jouait Conrad, le jour où le vieux Gulf avait béni Henry et sa fille ; il fit le signe de la croix et avança.

Puis il ne perdit plus rien des chants : c’étaient des voix de femmes, des voix pures, suaves, fugitives ; il s’arrêta et retint son haleine pour écouter. C’était toujours la valse qu’on chantait, et on entendait aussi un frôlement de pieds sur la mesure, mais si faible, si léger, qu’aucun pied humain n’en aurait pu produire un semblable. Ses cheveux se dressaient sur sa tête, ses jambes fléchissaient sous lui ; cependant, il avança et écouta encore ; on chantait des paroles : c’étaient des paroles qu’il se rappelait avoir faites lui-même sur cet air, dans la nuit où il s’était éloigné d’Anna ; il ne les avait jamais dites à personne, et cependant on les chantait :

Quelques instants, et la forêt déserte 
Va pour moi seul être un palais riche et pompeux ;
Le chêne épais forme une tente verte ; 
Et sous ce toit frais, parfumé, nous serons deux.
Signe orgueilleux de grandeur souveraine, 
Rouge turban plissé sur la tête des rois,
Non, tu n’as pas l’éclat de ces tresses d’ébène 
Qui couronnent son front et que nattent mes doigts.
J’ai vu souvent, à des fêtes moins belles, 
Briller dans les cheveux d’une femme à l’œil noir
Des diamants aux vives étincelles, 
Comme l’étoile bleue au ciel sombre le soir.
Et j’aime mieux l’églantine séchée 
Dont ses cheveux tout un grand jour furent liés,
Et j’aime mieux la mousse encore penchée 
Qui garde empreints, sur son velours, ses petits pieds.


Ces paroles, composées dans la forêt par Henry, pendant sa route, n’avaient jamais été écrites ; lui- même les avait presque oubliées, et il les entendait sans que la chanteuse se trompât d’un seul mot ; il fit encore quelques pas, et, au détour du sentier, il trouva une clairière tout entourée de hauts châtaigniers et mystérieusement éclairée par la lune.

Il se tapit dans un buisson, et put contempler un étrange spectacle. Des jeunes filles, vêtues de robes blanches et couronnées de fleurs, valsaient en chantant sur la mousse ; mais leurs robes blanches étaient plus blanches qu’aucune étoffe qu’on eût jamais vue, leurs couronnes de fleurs semblaient lumineuses ; leurs pas étaient si légers qu’on ne savait s’ils touchaient réellement la terre ; leurs voix suaves et mystérieuses ne paraissaient nullement gênées par le mouvement de la valse ; leurs visages surtout étaient d’une effrayante pâleur.

Henry alors se rappela la tradition de la ronde des willis, jeunes filles abandonnées par leurs promis et mortes sans époux, qui, la nuit, dans les bois, dansent entre elles au clair de la lune ; la valse s’arrêta un moment, et Henry entendait le bruit des battements de son cœur. Quelques instants se passèrent à rajuster les couronnes de fleurs, puis on reprit les chants, et c’était encore la valse de Henry que l’on chantait.

Les blanches filles s’enlacèrent deux à deux pour la valse ; une resta seule et jeta autour d’elle un long regard pour chercher une compagne ; sa taille était souple et élancée ; ses cheveux noirs étaient appliqués en bandeau sur son front ; ses yeux d’un bleu sombre avaient un regard tendre et mélancolique ; elle était couronnée de bruyères blanches.
C’était Anna !

Henry crut qu’il allait mourir.

Anna s’avança vers le buisson qui cachait Henry, et le prit par la main ; la main d’Anna était froide comme un marbre.

Henry n’avait pas la force de la suivre ; mais une puissance surnaturelle le portait.

On chanta ; la valse recommença, et Henry, toujours entraîné malgré lui, valsa avec sa fiancée.

Puis un autre fantôme vint prendre Henry, et valsa avec lui à son tour ; à celui-ci succéda un troisième, puis un quatrième.

Henry était exténué ; une sueur froide coulait sur son front, et il était aussi pâle que les morts.

Une cinquième morte le vint prendre, puis une sixième, et, l’on pressait toujours le mouvement de la valse. Henry, épuisé, demi-mort de fatigue autant que d’effroi, voulait se laisser tomber sur l’herbe et ne le pouvait : une force invincible l’entraînait, et il valsait toujours.

L’air ne pouvait plus entrer dans sa poitrine ni en sortir : il étouffait, il voulait crier et il n’avait pas de voix ; alors Anna le reprit à son tour, et l’on pressa encore le mouvement de la valse ; mais Henry sentit que la robe blanche n’était plus remplie que des os d’un squelette; la main d’Anna, placée sur son épaule, entrait dans sa chair ; il la regarda : elle n’avait plus ses cheveux noirs en bandeau ; il ne vit plus qu’une hideuse tête de mort toujours couronnée de bruyères blanches.

Il se débattait et le fantôme l’étreignait dans ses bras et l’entraînait dans un mouvement de valse d’une rapidité dont rien ne peut donner l’idée.

Le lendemain, on retrouva dans la forêt le cadavre de Henry.