Histoire de Perlette (Marie Colmont)




Un petit nuage rose voguait à l’aventure dans le ciel. Il y avait dedans mille et une gouttes d’eau, douillettement assises.

La mille et unième goutte, qui se nommait Perlette, se leva en bâillant.

-On s’ennuie ici ! J’ai envie d’aller faire un petit tour sur la terre.

-Ne fais pas ça ! crièrent les autres. C’est de la folie !

Perlette vint jusqu’au bord du nuage et regarda tout autour d’elle.

C’était le soir. Le soleil se couchait. En bas, on voyait de petits carrés verts et jaunes qui étaient des champs, et des points rouges qui étaient les toits des villages. C’était très joli.

-Bonsoir ! cria la goutte d’eau ! A un de ces jours !

Et elle se jeta en bas.

Ce fut une chute terrible. Elle pouvait se briser en arrivant sur la terre, mais elle tomba juste dans le coeur d’une anémone qui prenait le frais avant d’aller dormir.

-Aïe ! cria l’anémone.

Puis, voyant que ce n’était qu’une simple goutte d’eau :

-Heureusement qu’à cette heure-ci je n’ai plus soif. Roule dans ce petit coin et tiens-toi tranquille.

-Grand merci ! dit la goutte, qui se sentait fatiguée.

L’anémone releva ses jupes sur sa tête, et toutes deux se mirent à dormir.

Le lendemain, de bon matin, un papillon jaune vit leur rendre visite.

-Oh ! la jolie petite goutte de rosée ! s’écria-t-il en voyant Perlette.

Mais, comme il déroulait sa longue trompe pour la sucer, l’anémone lui ferma la porte au nez. Il s’en alla, furieux.

Cependant, un peu plus tard, comme le soleil chauffait, l’anémone, à son tour, dit d’une voix étranglée :

-Je commence à mourir de soif. Va-t’en vite, ou je vais être obligée de te boire !

-Dommage ! dit Perlette. Je t’aimais bien. Adieu !

Tout à coup elle roula sur une feuille ronde et lisse, tenta de se retenir, mais rebondit de feuille en feuille et finit par tomber dans le ruisseau.

C’était un petit ruisseau charmant. Il descendait de la montagne et chantait en traversant la prairie.

Les libellules dansaient sur les rives et les grenouilles lui criaient : «Je t’aime !» au passage.

Quand Perlette tomba dedans, les autres gouttes d’eau se poussèrent du coude et ricanèrent :

-D’où  vient-elle, celle-là ?

-Du nuage rose, là-haut, répondit-elle.

Alors, elles la regardèrent avec respect et s’écartèrent pour lui faire de la place.

Aussi, à partir de là, se mit-elle à voguer au milieu du ruisseau.

Tout à coup, Perlette sentit qu’on l’entraînait plus vite.

-Mais où allons-nous ? demanda-t-elle.

-Au moulin ! crièrent les autres joyeusement.

En effet, après un tournant, le moulin fut là, sur la rive, parmi les saules et les joncs.

La roue tournait avec un grand bruit et toutes les gouttes d’eau s’élançaient pour être chacune la première à la faire tourner et à sauter.

-Poussez ! poussez ! mes petites gouttes ! criait la roue en riant.

Perlette poussa de toutes ses forces avec les autres, tant et si bien qu’elles culbutèrent et se retrouvèrent en bas, dans le ruisseau, tout échevelées d’écume.

Et Perlette repartit au fil de l’eau.

Le petit ruisseau était devenu un grand fleuve qui transportait des péniches.

Les unes étaient poussées par des moteurs et crachotaient des ronds d’huile qui sentaient mauvais.

Les autres étaient tirés par des chevaux ou par des ânes le long de la rive, et elles allaient lentement.

Un peut plus loin, il n’y eut plus d’herbe sur les bords, mais des quais en pierre.

-Qu’est-ce que c’est ? dit Perlette.

-C’est une ville, lui répondit-on.

-C’est laid.

-Pas du tout, c’est très joli. Viens-tu y faire un tour ?
Mais Perlette continua sagement son chemin. Elle navigua toute la nuit.

Au matin, il n’y avait plus de rives et les autres gouttes d’eau autour d’elles étaient salées : elle était arrivée dans la mer....

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